#29 - De Malaisie à New Delhi. Du rêve au cauchemar.
Dernière île du voyage et derniers moments sur le sol malaisien. Cette semaine fût tranquille et joyeuse. Jusqu'à mon arrivée à New Delhi, où j'ai vécu 12h d'angoisse.
“On a peur, on s'imagine avoir peur. La peur est une fantasmagorie du démon.” - Georges Bernanos
J193 - Lundi 3 avril / J194 - Mardi 4 avril / J195 - Mercredi 5 avril.
Il ne se passe pas grand-chose de marquant. J’alterne entre création le matin et grandes marches en nature l’après-midi pour découvrir l’île de Tioman.
Je réserve mon billet d'avion pour l'Inde en fin de semaine 🔥
J196 - Jeudi 6 avril
Jour de départ. Je dis adieu à cette petite île de Tioman,
J'ai aimé : les grandes marches en nature et les après-midis snorkelling.
J'ai moins aimé : les nuits rendues délicates à cause des ronfleurs (oui oui, il y en a eu un autre après celui de la semaine dernière… C’est la fameuse loi des séries, postulant qu'un événement rare et catastrophique est appelé à se reproduire dans des intervalles de temps rapprochés. Le terme “catastrophique” est, dans le cas présent, peut-être un peu galvaudé, je vous l’accorde !).
Toujours est-il que je dois me lever aux aurores, à 5h du matin pour prendre le bateau direction Kuala Lumpur. La journée de transport fût éreintante.
J'arrive lessivé à 19h à Kuala Lumpur.
J197 - Vendredi 7 avril
Je me rends dans une université de Kuala Lumpur pour interviewer la gérante d'une association étudiante qui cherche à éveiller les consciences au sein de l'université.
J198 - Samedi 8 avril
Journée très sympa. Je marche et je me filme pour essayer mon tout nouveau micro.
Pour l’occasion, je m'essaye donc au format Vlog. et c'est un véritable fiasco :
Le micro grésille
Le cadrage est lamentable
Le niveau d'analyse est proche du néant.
Mais c'est finalement le but de ce format exclusif, que j'ai nommé #LeVlogNulDeLaSemaine.
L'idée : Partager une de mes journées en vidéo, sur un ton décalé.
Je vous laisse découvrir la vidéo ici... Vous m’en direz des nouvelles !
Je finis cette journée en centre ville, où tout le monde se réunit pour rompre le jeûne du ramadan.
Je suis invité par des malaisiennes très accueillantes. Quelle bienveillance encore une fois, c'est un super souvenir !
J199 - Dimanche 9 avril
Je m'essaye au Durian. Un fruit dont les malaisiens raffolent. Je n'avais pas encore osé essayer. Certains voyageurs m’en ont dit le plus grand mal. C'est un fruit spécial. Déjà, il sent fort. Tellement fort que dans certaines auberges, il y a des panneaux interdit aux durian à côté de panneaux interdit aux chiens.
Je me lance… C’est pour le moins étrange. La texture est à la fois crémeuse et pâteuse, je n'avais jamais vu de tel fruit. Le goût n'est pas répugnant, mais pas ragoûtant non plus. Je suis content d'avoir testé ce fruit emblématique avant le départ… Une fois suffisait amplement !
Et puis, il est temps de dire adieu à l'Asie du Sud-Est, après 6 mois et demi... Que de chemin parcouru !
Tant de rencontres et d'apprentissages en 6 mois et demi. Cette région du monde est une vraie belle découverte qui restera dans mon cœur.
C'est un nouveau voyage qui démarre au pays de Gandhi 🇮🇳
J'atterris à New Delhi.
L'enthousiasme redescend.
Le cauchemar commence.
Déjà, il m’est impossible de retirer de l'argent. Je m'apprête à échanger quelques ringgit malaisiens quand 2 loubards viennent me voir en toute discrétion "tu veux échanger de l'argent ? Viens avec nous, il y a trop de taxes ici".
Bref, je préfère surpayer que de m'embarquer dans ces trafics bizarres.
Argent OK ✅️
Priorité numéro 2 : une carte SIM. Je risque de la surpayer à l'aéroport mais tant pis, ça vaut le coup, pour avoir un Uber et un transport sûr…
J’en achète une. Et puis, le vendeur me dit qu'elle ne sera active que dans 2h, après avoir appelé un numéro pour l’activer…
Je m’élance alors dans le toboggan de l'enfer. Un chauffeur de taxi me saute dessus, puis 2. Rien d'anormal. C'est toujours comme ça dans les aéroports. Je décide de les suivre. Il m’a semblé les voir s'embrouiller au départ, mais finalement ils semblent se connaître, c’est assez étrange.
Bref, je ne suis pas très à l'aise.
Mon instinct me fait faire un pas en arrière hésitant, avant d’entrer dans la voiture, je ne sens pas trop le coup, j’hésite...
Finalement, j'y vais quand même.
C’est un autre chauffeur qui conduit mais l'un des 2 autres chauffeurs du départ vient avec nous pour m’accompagner, parce que apparemment "le chauffeur ne parle pas anglais". Au bout de 30 secondes, j'ai compris que je faisais une erreur.
Je me retrouve conduit dans la voiture de monsieur tout le monde, par 2 individus, à New Delhi, de nuit.
Toute la route, j'ai la gorge nouée, la bouche sèche, le cœur palpitant et le trouillomètre à zéro.
L'accompagnateur se veut rassurant et sympathique, mais je me dis que ça peut être un rôle qu'il joue. Il m'a demandé, innocemment si j'avais une carte SIM Indienne.
-"oui oui", ai-je dis.
-"Elle fonctionne?"
-"Oui" au bluff, pour essayer de contrecarrer leur plan au cas où il s’agissait d’une tentative d'enlèvement (je suis peut-être un peu parano sur les bords, mais bon dans le feu de l'action, avec tout ce qu'on entend, on envisage le pire !).
Au-delà de ma situation inconfortable, le décor est apocalyptique.
Les ruelles sombres et délabrées sont parfois entrecoupées par des barrages de police en cette période de recrudescence du covid.
On arrive dans une rue déserte, bordée par 5, 10-15 puis 30 chiens errants répartis sur une centaine de mètres… C'est un cul de sac. C’est digne d’un film d’horreur. Je suis désemparé.
D'une voix terrifiée, je demande à mon accompagnateur ce qu'on fait là.
Il me rassure et me demande s'il y a un numéro pour joindre mon auberge. La rue est fermée. Il les appelle, puis me les passe.
Apparemment, il y a eu un cas covid, ils ont fermé et envoyé des remboursements.
Bizarre, j'ai pu activer mes données en itinérance succinctement, je n'ai reçu aucun mail de leur part...
Mon accompagnateur me dit de ne surtout pas m’inquiéter et qu'il est là pour m'aider. Il m’amène dans une agence de tourisme pour me trouver un logement pour le soir.
Malheureusement, je n'ai pas assez d'argent pour payer la somme exorbitante réclamée par le chauffeur à l’arrivée. 4000 roupies, soit 45€. Pour ici, c'est beaucoup d’argent. Normalement, un tel trajet coûte 600 roupies, soit 7€.
Je me rends donc jusqu’à un distributeur avec mon accompagnateur, dans les ruelles inquiétantes, jonchées de débris. Un malheur n’arrive jamais seul : le distributeur est en rupture de billets.
L'homme travaillant pour l'agence de tourisme se veut rassurant et m’indique de me méfier des arnaques comme celles que je viens de connaître. Il accepte de faire le change avec mes ringitt malaisiens.
Je dis adieu aux 2 escrocs. J'ai surpayé, certes, mais tout va bien. C’est l’essentiel.
Suis-je tiré d'affaires pour autant ?
Je n'ai pas d'autres choix que d'accepter la proposition d'hôtel du monsieur de l'agence, qui, comme par hasard, n'a pas d'accès Wi-Fi pour moi…
Il m’annonce avoir une chambre d’hôtel pour 3000 roupies, soit 35€ la nuit. Je lui signale que mon auberge coûtait 7€ la nuit.
Sa réponse glaçante :
"Si on veut voyager dans des auberges à 7€ ce n’est pas en Inde qu'il faut venir. New Delhi c'est PPC : Poverty Pollution Corruption. C'est la sécurité avant tout".
Il me questionne sur la suite de mon séjour. Il a bien compris que j’étais terrifié et cherche à amplifier cette peur, en me faisant comprendre que je devrais absolument avoir un chauffeur etc. J'ai bien compris son ptit manège. Cela me rappelle mon arrivée à Bangkok, où je m'étais fait avoir dans une agence du même type (les méthodes étaient bien moins intimidantes).
En grand seigneur, il me dit “il est tard, tu dois être fatigué. Mon chauffeur privé t’amène à l’hôtel. Tu reviendras demain à 10h pour me payer et organiser la suite.”
Je n’ai donc pas trop le choix. Au moins, je vais passer une bonne nuit dans un hôtel avec Wifi et tout rentrera dans l’ordre.
La chambre est magnifique, mais... Là, non plus, il n'y a pas de WiFi.
J’ai le terrible sentiment d'être sous emprise, de ne plus rien maîtriser et d’être un poulet sur le point de se faire plumer.
Impossible d'activer ma nouvelle carte SIM. Il ne semble même pas y avoir de réseau dans ma chambre.
Après le cauchemar des faits, place au cauchemar des pensées
Je me retrouve seul avec mes pensées et le tourbillon de tous ces faits étranges qui reviennent sans arrêt. Il m’est impossible de fermer l'œil.
Je commence à faire 1000 scénarios dans ma tête.
Et si les chauffeurs de taxi et l'agence étaient complices et faisaient partie d'une “bande organisée” ? Et s’ils venaient dans la nuit pour m’enlever ou je ne sais quoi ?
Perdant ma lucidité (ou trouvant un instinct de survie), je mets même au point une stratégie de fuite, en cas d'urgence.
De minuit à 10h du matin, les minutes s'égrènent lentement.
Je ne sommeille que de 5h à 5h30.
Puis, MIRACLE : ma carte SIM finit par s’activer 🙏
Je ne vois aucun mail de mon auberge mentionnant une fermeture. Je fais des recherches sur internet et je découvre une arnaque similaire :
"L'une des plus répandues consiste à interpeller le touriste dès son arrivée à l'aéroport en Inde, et à se faire passer pour un agent de la police touristique indienne. Le soi-disant agent vous alertera sur des événements exceptionnels ayant lieu en ville. D'excellentes raisons pour que vous ne puissiez pas vous rendre à l'endroit prévu. Le faux agent vous rabattra alors vers une agence de voyage indienne qui vous proposera un plan complètement différent du vôtre. Ne vous laissez pas arnaquer dès votre arrivée en Inde" - Oups, trop tard.
Je suis sauvé. Ça n’est donc pas un enlèvement, mais juste une arnaque !
Résultat des courses :
45€ de taxi
35€ d'hôtel
Une nuit blanche
60€ pour quelques minutes de données en itinérance.
Cette soirée cauchemar m'aura coûté la modique somme de 140€.
Bienvenue en Inde !
Néanmoins, au vu des scénarios envisagés, c’est clairement secondaire.
Je tire quelques apprentissages de cette mésaventure :
En voyage, les gens sont en majorité bienveillants. Néanmoins, il ne faut pas compter sur leur bienveillance. Parce que les mauvaises rencontres existent. À force de faire des belles rencontres, j’ai baissé ma vigilance. J’ai été naïf.
Ne jamais céder à l'urgence et la pression des inconnus.
Ne jamais prendre de décision allant à l’encontre de son instinct.
On souffre plus dans notre tête que dans la réalité. Je me suis fait des films pendant 12h, j'ai fait une quasi nuit blanche, alors que je me suis “simplement” fait arnaquer. Notre nature humaine grossit les peurs. C’est le fameux instinct de survie.
Cette arnaque est quand même un peu hard. Je l’ai vécu comme une forme de séquestration, compte tenu de l’emprise psychologique, l'intimidation par la peur, l'absence de toute connexion internet et les conditions de sécurité déplorables à Delhi en pleine nuit.
Le lendemain, je donne l’argent à l’homme de l’agence de tourisme. Il me demande ce que j’ai prévu ensuite. Il insiste et me suit dehors pour me demander où je vais. 4-5 de ses amis me guettent avec insistance.
Mon uber n’arrivant pas, je finis par interpeller un Tuktuk. ÇA Y’EST, JE SUIS LIBRE. Quel soulagement.
L’aventure indienne commence donc sous les chapeaux de roues, avec une belle frayeur, une fatigue extrême et un festival d’émotions diverses.
Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite des aventures.
Ça ne pourra pas être pire. Quoique.
La ressource de la semaine : La vidéo de Cyrus North qui nous fait réfléchir sur la question du désir à l’ère du défi climatique.
PS : Merci d’avoir pris le temps de lire mes aventures 🙏 Si cela vous a plu, vous pouvez cliquer sur le petit ❤️ juste en dessous du titre de cet e-mail, laisser un commentaire ou à me faire un retour par mail/message privé 💬
« Dans une guerre, ce qui se passe, ce n’est jamais ce qu’on avait prévu. Alors ce qui compte, c’est d’avoir le moral ! »
Général Marcel BIGEARD
Take care, be a winner !
Eric
Pour Eric, d'abord, et en paraphrasant: Dans une guerre, la première victime, c'est la planification...!!!
Pour Eliot: Petite leçon de Durian (Thurian en thaïlandais).
D'abord, c'est le ROI des fruits. Ça ne se discute pas, du moins en Asie du Sud-Est.
Ensuite, tes commentaires gustatifs sont fort justes, mais comme pour le Munster, certainement très cher au sus-nommé Eric, ça n'a pas le goût de l'odeur...
Enfin, pour ne pas digérer ce fruit délicieux pendant deux jours, il est conseillé de le déguster accompagné d'un autre fruit légèrement acidulé, mais tellement bon: le mangosteen (Mangkrut en th). Et en plus tu te fais deux fois plaisir...!!!
Amitiés