#33 - Coup de fatigue et réflexion sur la liberté
Du désert de Jaiselmer à la ville blanche d'Udaipur. Après 2 semaines intenses, je fatigue. J'en profite pour remettre en question ma vision de la liberté à travers la notion d'engagement.
"Je crois que c'est en appréciant la simplicité, le quotidien, la capacité à plonger profondément dans le banal et à découvrir les richesses cachées de la vie, que l'on peut connaître le succès et, a fortiori, le bonheur." - Josh Waitzkin
J220 - Lundi 1er mai
Je suis toujours à Jaisalmer. Mon hôte m’amène à la boutique de son frère. Je finis par acheter une tunique d'homme du désert. Je suis fin près pour l'excursion.
Après plus d'une heure à moto sur les interminables routes du désert, mon accompagnateur me laisse entre les mains de Salim. Nous marchons une vingtaine de minutes (seulement hélas) et nous arrivons sur un petit campement de fortune. C'est ici que nous passerons la nuit.
Je pars marcher dans les dunes et je retrouve un vieil ami que j'avais perdu depuis mon arrivée en Inde : le silence.
A part quelques oiseaux et insectes, c'est le calme absolu. Une vraie source de quiétude.
Je suis bien loin du brouhaha général des villes et villages et cela fait du bien.
Salim me prépare un festin. Comme souvent en Inde, je finis avec le ventre plein.
Je pars me promener de nouveau dans les dunes. Les grillons ont remplacé les chants des oiseaux.
Les étoiles tapissent désormais le ciel sombre.
C'est une sensation unique de se balader seul, dans le désert, de nuit. Je ressens alors un vrai sentiment de liberté… que j’aurais malgré tout bien aimé partager.
J221 - Mardi 2 mai
La nuit à la belle étoile n'a pas été des plus reposantes. Mais le paysage fait plaisir à voir au réveil.
Après une dernière balade entre les dunes, il est temps de rentrer à l’hôtel, pour un repos bien mérité.
J222 - Mercredi 3 mai
Après 7 mois et demi de voyage, je suis mis à l'épreuve de la fatigue, de la solitude, des sollicitations, de la chaleur. Ce n'est pas toujours évident de supporter ces conditions sur la durée.
La chaleur de Jaisalmer est écrasante et je n'ai pas trop la tête à visiter.
Je trouve un remède efficace à la déprime du jour : l'action. Une séance de sport, 10 minutes de méditation et mon état d'esprit est réinitialisé. J'enchaîne avec de l'écriture et de la lecture. Je me sens bien mieux après avoir agi.
Je n'aurais pas beaucoup visité beaucoup Jaisalmer, en dehors du désert.
Mais ce qui compte, ce n'est pas le nombre de monuments visités, le nombre de villes cochées, le nombre de personnes rencontrées.
Ce qui compte vraiment, c'est la qualité de présence que l'on peut offrir à chaque instant.
L'attention que l'on offre à cet inconnu,
La curiosité que déclenche la découverte d'une nouvelle contrée,
L'émerveillement que l'on ressent à l'égard d'une merveille architecturale.
J223 - Jeudi 4 mai
J'arrive à l’aube après une nuit agitée dans le bus. Je déambule en fin d’après-midi dans cette ville d'Udaipur, qui me paraît plus accueillante que Jaisalmer.
J224 - Vendredi 5 mai
Alors que je cherche un lieu pour aller manger, je me fais interpeller par un certain Mikesh. Il parle français et me parle de sa vie de couturier. Il a notamment vécu en France.
Il me donne une adresse pour déjeuner et m'y accompagne même. Il est très sympa, mais je pense qu'il y a anguille sous roche. Il attend la fin du repas et me propose un chai (thé).
Il me présente alors sa boutique de costumes. Je ne suis pas intéressé, je voulais juste marcher, je fuis donc.
Mikesh finit par me rattraper et me présente quelques temples. Il me ramène ensuite dans une boutique d'arts et d'objets décoratifs en tous genres. Je n'ai absolument pas besoin de ça, mais j'ai le droit à une présentation complète.
Me sentant redevable (la puissance du biais de réciprocité), je finis par craquer. Bon, craquer est un bien grand mot : 2 magnifiques cartes postales 😂
Heureusement, en règle générale, l'acte d'achat a plutôt tendance à m'angoisser qu'autre chose. Sinon, depuis le début du voyage, j'aurais déjà fait l’acquisition de 12 costards, 127 cartes postales et 378 magnets à coller sur le frigo, tant les propositions sont nombreuses.
Au moins, cela fait du contact humain. Je dois dire que depuis 10 jours, les vendeurs en tous genres (et quelques locaux) sont à peu près les seules interactions auxquelles je participe, tant les touristes sont absents des auberges.
J225 - Samedi 6 mai
Je marche jusqu'à un parc biologique. Une navette m'amène tout en haut. La vue est splendide : d'un côté la ville d'Udaipur et de l'autre la chaîne de montagne séparant la ville du désert.
J226 - Dimanche 7 mai
Après 3 semaines assez intenses en Inde, j'avais besoin de lever le pied. J'ai moins de d’enthousiasme et de plaisir à visiter depuis une semaine.
Mon pays, ma famille et mes amis commencent à beaucoup me manquer.
L'humain a besoin d'une dose régulière de nouveautés, de découvertes, de rencontres, d'aventures.
Mais je réalise que la liberté sans limite, les découvertes infinies et les rencontres incessamment renouvelées ne sont pas de nature à créer un sens durable.
Tout comme la créativité s'exprime dans des contraintes, la liberté n'est appréciable que dans des limites.
Avant mon voyage, je voyais la notion d’engagement comme une perte irrémédiable de liberté.
Mais sans engagement, l'humain se condamne à vivre en surface.
L'engagement est en fait un puissant vecteur de liberté. Il libère l'humain de sa tendance aux tergiversations, au doute et au questionnement.
L’être humain s’épanouit en s'engageant pleinement :
dans ses relations
dans l'instant présent
dans une activité qui le nourrit
Sans engagement, il n'y a pas d'amour possible, de connaissances profondes acquises, ni de relations forgées.
Après 7 mois et demi de vagabondage, je commence à ressentir un certain besoin d’engagement, de stabilité relationnelle et géographique.
La stabilité géographique devra attendre.
Mais une certaine forme de stabilité relationnelle se rapproche : la semaine prochaine, je suis rejoint par un invité surprise. Celui-ci tombe à pic 😍
La ressource de la semaine : Un mimi docu passionnant d’Arte, qui explique les conséquences de l’idéalisation de la jeunesse au sein de notre société.
PS : Merci d’avoir pris le temps de lire mes aventures 🙏 Si cela vous a plu, vous pouvez cliquer sur le petit ❤️ juste en dessous du titre de cet e-mail, laisser un commentaire ou à me faire un retour par mail/message privé 💬
Eliott, tu as déjà réalisé un voyage incroyable pour le commun des mortels et tu as vécu des aventures enviables, sans parler de tes entretiens, de ton carnet de voyage, et tu n'as pas encore terminé...Que tu sois fatigué, n'as rien d'étonnant. Tu as besoin de revenir au calme et de te retrouver toi-même. Prépare toi à une transition difficile car retrouver la vie dite "normale" peut aussi être une épreuve source de doutes. Tu as plus fait en 9 mois que d'autres en toute une vie. Réfléchis, dès maintenant, à tes nouveaux objectifs pour ne pas te retrouver face au vide, assure-toi qu'ils participent bien à ton chemin de vie et qu'ils correspondent à tes valeurs. La maturité que tu as acquise pendant ce long voyage va te permettre de répondre avec assurance à la seule question qui vaille : comment puis-je remplir ma vie ? Take care ! Eric
Intéressante réflexion sur la dose optimale de nouveauté !